L'église
Tableau d'Emile Roustan et le Haut-Bourg
L'église paroissiale, orientée vers l'est comme il se doit, s'élève sur la colline du Haut-Bourg. D'abord placée sous le vocable de St Martin jusqu'au XVIIème siècle, elle a maintenant pour patron St Loup, archevêque de Sens.
Mes souvenirs:
Ils remontent aux années 1958, quand la paroisse était administrée par l'abbé Camus. C'était un homme jeune et dynamique que nous admirions beaucoup, n'hésitant pas à prendre sur ses fonds personnels pour créer de multiples activités...kermesses, matches de foot dans le jardin du presbytère, chorale, balades. Mais le souvenir le plus précis est celui de l'office du dimanche, où quelque peu mécréants, toute la bande de préados que nous étions, se calait sur les bancs du fond et piquait des fous-rires à observer et critiquer les gens coincés dans leur beau costume embaumant la naphtaline et les "vieilles bigotes", comme les appelait mon grand-père, toutes de noir vêtues, le visage caché sous leur mantille. A la fin de la messe, c'était la distribution de petits carrés de brioche, fondants et savoureux. Cette viennoiserie est maintenant ma "madeleine de Proust"!
Les années passant, je n'ai plus eu l'occasion d'y retourner avant ces derniers temps et mon regard d'adulte fut bien différent.
J'ai découvert une jolie église à l'architecture fort intéressante.
Dès l'entrée, on est frappé par le porche roman datant du XIème siècle
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L'arc plein- cintre, encadré de deux pilastres, porte plusieurs arcades ornées de frettes et de zigzags. Il est surmonté d'un triangle en sailie et l'ensemble indiquerait une époque de transition. Ce style est inhabituel dans la région(parfois rencontré en Dordogne). Les enfants non baptisés ne franchissaient pas ce porche!
La nef
Diverses transformations y ont été effectuées entre 1873 et 1896. Au plafond, les contreforts saillants qui soutenaient les poutres ont été remplacés par des corbeaux en pierre. La chaire a été enlevée depuis.
A droite, en entrant dans cette nef spacieuse, on découvre une chapelle consacrée à St Etienne. Il y subsiste la dalle funéraire d'Etienne de Cudot du XIIIème ou XIVème siècle. Celle-ci est curieusement plaquée contre le mur et comporte un visage vide. On observera aussi l'arc brisé de l'entrée et la statue de St Antoine. Au fond se tient le confessionnal.
Quelques statues sont remarquables:
Sur le mur est accroché un Christ en croix, en bois peint, du XIV ou XVème siècle. A sa droite une statue de la Vierge au calvaire, en bois peint et à sa gauche celle de St Jean.
Au fond, sur un côté de l'entrée de la tour, un pilier orné de cornes de bélier(ou motif ionique) supporte "Notre Dame de Rogny". Cette vierge à l'enfant en pierre polychrome a une très belle coiffe et un beau drapé qui rappellent l'art populaire. De l'autre côté, la statue de St Loup.
Ces statues avaient été cachées à la révolution dans le grenier de l'église et n'ont été redescendues que récemment.
Une dalle dissimulée sous les bancs voisins de la chaire, renferme les corps des seigneurs de la Brûlerie.
Sur un des murs latéraux, Notre dame de Lourdes.
La tour
Elle joint la nef au choeur par quatre piliers, renforcés chacun de deux colonnes à chapiteaux ornés de feuilles simples et larges. L'arc brisé qui forme son porche annonce la première moitié du XIIème siècle. L'art gothique, on le sait, atteindra son apogée au milieu du XIIIe et XIVème siècle( gothique rayonnant) pour être flambloyant dès le XVe. Cette avancée dans le temps par rapport au premier porche est intéressante. En levant la tête, le regard se pose sur une voûte dont les nervures se croisent sous forme de gros cylindres, après s'être heurtées à la clef de voûte. L'ensemble donne un style mauresque.
Le choeur
Là, se trouve l'ancien autel dont la base comprend de nombreuses décorations colorées en mozaïque, nichées dans une ouverture trilobée.
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Au-dessus, placé contre le chevet, la pièce maîtresse de l'église: un tableau, "les Pélerins d'Emmaüs", attribué à Adrien Le Beau, datant de 1757 et récemment restauré par le Musée du Louvre.
Celui-ci a été classé au titre des Monuments historiques en 1908.
Les anciennes vitres blanches de l'église ont été depuis peu remplacées par des vitraux peints reproduisant des scènes variées. Deux d'entre eux viennent du curé Simon, officiant à St Privé.
L'un représente l'église de St Privé et l'autre celle de Rogny.
Le clocher
Situé au-dessus de la tour, le clocher était surmonté d'une flèche octogonale très élevée mais celle-ci ayant été endommagée par l'orage du 10 septembre 1828, elle fut remplacée en 1892 par une autre carrée à la base et moins haute.
les cloches
Au nombre de deux, Isabelle et Marie Anne sont d'origine.
A la Révolution, l'église, transformée en temple décadaire et dédiée à la Raison, servit de maison commune. En mars 1794, la municipalité s'y transporta " pour en requérir les clefs et procéder sur le champ à la fermeture, afin d'arrêter le bruit qui s'élève de temps en temps entre les citoyens, relativement à la religion d'un culte privilégié au-dessus des autres par un prêtre fanatique qui surprend une partie des citoyens et les fait retomber dans l'erreur, ce qui occasionne un grand trouble dans le pays.".
Cet édifice fut rendu à sa destination première, lorsque en 1795, le curé et les habitants se réunirent à la municipalité et déclarèrent choisir " pour l'exercice de leur culte la ci-devant église que la loy leur accorde à cet effet." Il fallut récupérer tous ses ornements, argenterie, mobilier, qui avaient été envoyés en 1790 au district de St Fargeau, ainsi que la cloche qui y avait été conduite avec ses plombs et ses ferrements. (" On donna 25 l pour la descendre et 12 l à Dominique Perrin, laboureur aux hauts-salins, pour la conduire. La corde qui pesait 11livres y fut envoyée en 1794."
La grosse cloche, Isabelle, date de 1639 et mesure 1m 20 de diamètre.
Marie Anne, sa voisine, la plus petite, date de 1860.
L'extérieur
1915, on aperçoit le calvaire et la fenêtre géminée.
Les côteaux étaient couverts de vignes et sur la place actuelle se tenait le cimetière primitif, mais il n'occupait que 20 ares environ. " Le Conseil Municipal considérant qu'un intervalle de 5 années ne peut pas même être observé avant la réouverture des fosses, que celles-ci trop fraîchement remuées, il se dégage des exhalaisons pernicieuses à la santé des habitants, demande que le cimetière soit transféré hors de l'enceinte du bourg et placé dans un champ à distance convenable".
Ainsi, après une demande du conseil faite en 1828, on établit deux ans plus tard, dans un champ éloigné, un nouveau cimetière plus vaste et qui fut clos de murs en 1860.
Tout auprès était le colombier du presbytère, tour carrée depuis longtemps détruite dont le souvenir est rappelé par le "chemin du Colombier" entre le canal et l'église.
L'entrée qui passe par le porche roman et le calvaire sur la place où se tenait l'ancien cimetière
En bas de la rue de la Petite Montagne qui mène à l'église, le calvaire des vignerons :